Depuis quelques années, plusieurs pays africains apparaissent sur la fameuse liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI). L’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, l’Afrique du Sud, la RDC, le Kenya, l’Angola, le Nigeria, le Cameroun, le Burkina Faso… autant de nations africaines dont les systèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) sont jugés encore fragiles ou incomplets.
Mais que signifie réellement cette inscription ? Est-ce une punition, un blâme public qui pénalise les pays concernés ? Ou est-ce, paradoxalement, une opportunité déguisée pour renforcer la transparence, la gouvernance et l’attractivité financière ?
🌍 Ce que signifie vraiment être sur la liste grise du GAFI
Être inscrit sur la liste grise du GAFI signifie que le pays présente des lacunes stratégiques dans son dispositif LBC/FT, mais qu’il s’est engagé à les corriger dans un délai convenu. C’est un peu comme être mis sous surveillance avec devoirs à faire et échéancier à respecter. En clair : le GAFI n’exclut pas le pays du système financier mondial, mais l’oblige à se conformer rapidement sous peine de sanctions économiques indirectes.
✅ Les avantages (oui, il y en a)
1. Visibilité sur les failles et opportunité de réforme
L’un des bénéfices inattendus de cette "mise à l’index" est la clarté qu’elle apporte. Les évaluations GAFI mettent le doigt sur des dysfonctionnements réels : opacité des bénéficiaires effectifs, absence de contrôle des cryptoactifs, faibles capacités des CENTIF, défauts de coordination entre autorités, etc.
Exemple : En Afrique du Sud, l’inscription sur la liste a servi d’électrochoc. Résultat ? Des réformes majeures, un cadre juridique modernisé, et une meilleure coordination des acteurs.
2. Effet levier pour obtenir de l’aide technique et financière
De nombreuses institutions internationales (FMI, Banque mondiale, UE, etc.) se montrent plus enclines à appuyer un pays qui affiche une volonté de mise en conformité. En clair, être sur la liste attire des partenariats... à condition d’agir.
3. Meilleure crédibilité à long terme
Un pays qui sort de la liste grise montre qu’il est capable de réformer. Cela renforce sa crédibilité auprès des investisseurs internationaux et des banques correspondantes.
❌ Les inconvénients (et ils sont sérieux)
1. Stigmatisation financière
Même sans sanctions officielles, l’inscription sur la liste grise agit comme un signal d’alerte pour les investisseurs et institutions financières. Les banques internationales deviennent frileuses, les délais de transfert s’allongent, et le risque de "de-risking" (coupure des relations bancaires) s’accroît.
C’est déjà visible au Nigeria et en RDC, où certaines banques perdent leurs correspondants à l’étranger, rendant les transactions internationales plus coûteuses et plus lentes.
2. Pression sur les économies locales
Les États doivent investir massivement pour réformer, sans toujours disposer des ressources humaines ou techniques adaptées. Cela peut engendrer un fardeau financier et administratif conséquent pour des pays déjà fragiles.
3. Risques politiques
Certains gouvernements utilisent l’inscription pour justifier des mesures de surveillance plus poussées, au détriment des libertés individuelles. La LBC/FT devient alors un prétexte à la répression.
Alors, opportunité ou malédiction ?
La vérité est nuancée. La présence sur la liste grise du GAFI est une sanction douce mais exigeante, qui peut déboucher soit sur un cercle vertueux de réformes, soit sur un enlisement coûteux si les engagements ne sont pas tenus. Pour les pays africains, tout dépend de leur capacité à :
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mobiliser les bonnes compétences,
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coopérer avec le secteur privé,
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moderniser leurs institutions.
C’est un défi de gouvernance, mais aussi une chance de faire évoluer leurs systèmes vers plus de transparence, de robustesse et d’intégrité.
Pour finir, la liste grise du GAFI est comme un miroir un peu brutal. On peut choisir de le casser... ou de s’en servir pour mieux se voir et s’améliorer.
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