Réglementation LBC/FT : Limites de paiements en espèces dans l’UE vs l’UEMOA – Convergence ou contraste assumé ?

 

Le cash, symbole de liberté pour certains, d’opacité pour d’autres, reste au cœur des débats sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). L’Union européenne vient de franchir un nouveau cap. Pendant ce temps, l’UEMOA conserve une position particulière, souvent méconnue du grand public. Décryptage croisé.


L’UE passe à l’offensive avec un plafond unique

Le 10 juillet 2027 marquera un tournant : il ne sera plus possible, dans aucun État membre de l’Union européenne, de régler un achat en espèces au-delà de 10 000 euros. Cette nouvelle règle, introduite par le règlement (UE) 2024/1624, vise à renforcer l’arsenal anti-blanchiment. Elle met fin à la cacophonie réglementaire où chaque pays appliquait ses propres plafonds – de 1 000 euros en France à… aucune limite en Allemagne ou en Autriche.

Pour les transactions comprises entre 3 000 et 10 000 euros, les vendeurs auront désormais l’obligation de vérifier l’identité de l’acheteur. Objectif : garantir la traçabilité des fonds, en empêchant les criminels de recycler de l’argent sale via l’achat de biens de luxe ou d’actifs tangibles.

Le message est clair : "L’époque où l’on pouvait acheter une voiture de sport ou un yacht avec une valise de cash touche à sa fin", comme l’a affirmé Paul Tang, eurodéputé néerlandais.


Et dans l’UEMOA ? Une approche différente, mais pas laxiste

Dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), la réglementation LBC/FT prend une autre forme. Ici, il n’est pas question de plafonner les paiements en espèces, mais plutôt de contrôler les mouvements physiques de cash transfrontaliers.

La règle phare ? Toute personne entrant ou sortant de la zone UEMOA avec plus de 10 000 000 FCFA en espèces (environ 15 000 euros) doit le déclarer aux autorités douanières. L’objectif : éviter l’infiltration de fonds illicites dans le système économique régional. Cela s’aligne avec les exigences du Groupe d’Action Financière (GAFI), mais reste moins restrictif que les dispositions désormais en vigueur dans l’UE sur les transactions internes.

Paradoxalement, cela signifie que vous pouvez encore acheter un bien de 15 millions FCFA en cash dans la zone UEMOA, sans obligation formelle d’authentification ou de déclaration… tant que vous ne franchissez pas de frontière.


UE et UEMOA : deux visions, une finalité commune ?

Le contraste est frappant. L’UE verrouille l’usage du cash à l’intérieur de ses frontières, en le considérant comme un canal privilégié pour les flux illicites. L’UEMOA, de son côté, mise sur le contrôle aux frontières, tout en maintenant une certaine souplesse pour ne pas pénaliser une économie encore fortement "cash-based".

Mais les lignes pourraient bouger. Sous la pression des évaluations du GAFI, et face à la digitalisation croissante, l’UEMOA devra tôt ou tard clarifier sa position sur les plafonds de paiements en espèces dans les transactions commerciales et immobilières. D’autant que le cash reste majoritaire dans les zones rurales, avec un taux de bancarisation encore faible.


Conclusion : vers un alignement progressif ?

La réglementation européenne marque une étape importante, mais elle ne signe pas (encore) la fin du cash. Dans l’UEMOA, l’usage des espèces reste roi, mais le resserrement des contrôles douaniers montre une prise de conscience croissante.

Pour les professionnels de la conformité et les institutions financières, le défi est clair : assurer la traçabilité sans freiner l’activité économique, dans un monde où la criminalité financière devient de plus en plus sophistiquée… et internationale.

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